mercredi 28 juillet 2021

Comment 11 ans plus tard, la douleur reste-telle si vive?

 Comment 11 ans plus tard, la douleur reste-telle si vive?

Par quel mécanisme, après toutes ces années suis-je en mesure de revivre, minute après minute, le déroulement de cette journée, il y a 11 ans.

C'était un mercredi, le matin. Elle avait attendu que tous ses enfants soient là.

Au réveil, sans avoir parler à qui que ce soit, je savais.

Aujourd'hui, je devrais y repenser l'œil un peu humide. C'est tout.

 Pourtant, c'est toujours la même sensation, la gorge qui se serre, la voix qui se perd dans les aigus, et l'impossibilité de retenir les larmes qui montent.

L'émotion aussi intacte que les souvenirs.

Pourtant, pourtant, je n'ai de cesse de me dire que "c'est l'ordre des choses", que "la vie est ainsi faite". Tous ces lieux communs qu'on répète, sans grande conviction.

Je les récite presque comme les psaumes qu'on lit, pour élever l'âme d'un défunt.

Mais, 11 ans plus tard, je lui parle comme si elle m'entendait. ça ne s'explique pas. Mon cerveau habituellement cartésien,  défie tous les théorèmes appris à l'école pour laisser place à ma douce folie.

De là où son âme se tient, elle me lit et m'entend forcément.  Elle sourit quand mes filles me font tourner en bourrique, elle rit sans doute quand ma plus jeune fait le clown. Et elle s'émeut, comme moi, de voir mon aînée devenir une jeune femme. 

Et, comme avant, elle veille sur nous.

De là où son âme se tient, elle continue d'être le pilier qui nous maintient tous debout. Elle nous envoie des signes, tout le temps. 

Elle vient me voir dans mes rêves, car c'est aujourd'hui le seul endroit où l'on peut se retrouver.

Et c'est dans mes rêves qu'avec son sourire immuable, et son regard doux, elle partage ses secrets de cuisine avec mes filles, étrangement attentives. Elle continue à couvrir son petit carnet de recette, tâché, de son écriture harmonieuse, et nous livre ses astuces...

Et on pleurera encore de rire en découvrant ses expressions improbables. 

Dans mes rêves aussi, elle me dit "ne t'en fais pas, si tu as besoin, je te garde les filles". Et je la vois faire comme elle faisait avec nous.

Elle continue de manquer à nos jours. C'est une absence dont la douleur ne faiblit pas. La seule absence qui défie le dicton "Loin des yeux, loin du cœur".

C'est sans doute parce que c'était la plus douce que son souvenir est si vivant.

Vassilia




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