Journal de confinement.
26/03/2020
Nous sommes jeudi 26 mars.
Cela fait donc 10 jours que les
écoles sont fermées.
Je dois avouer qu’on s’organise « un
peu mieux » pour l’école à la maison. Même si ça reste difficile de faire
l’école à ses enfants. Ce qui me surprend d’ailleurs.
Car d’aussi loin que je
me souvienne, j’ai toujours donné des cours.
A l’âge de 16 ans, au lieu d’aller
faire des baby-sittings, je donnais des cours aux enfants des amis de mes
parents pour gagner un peu de sous. Je l’ai fait assez longtemps d’ailleurs.
Français, math, physique-chimie…
Et dans ma vraie vie professionnelle aussi. Il
y a toujours une dimension « formation » dans ce que je fais.
Pourtant, faire preuve de
patience avec mes enfants quand on fait « l’école à la maison » est
une des choses les plus difficiles de mes journées.
Déjà, quand on a deux enfants de
niveaux différents, on ne peut pas grouper. Sans compter que ma plus jeune est loin
d’être autonome. Elle est en moyenne section, elle a besoin que je l’aide dans
ses exercices.
Difficile d’assurer en toute sérénité pour les deux, quand la
plus jeune s’impatiente, alors que je m’occupe de sa grande sœur.
Mais dans l’ensemble, entre les
cris, les agacements mutuels, nous arrivons à trouver un rythme de croisière,
et surtout davantage de moments calmes dans la journée.
Des moments où je peux soit
écrire, soit répondre à des appels du boulot et faire avancer certaines tâches
dans ce contexte tendu.
Je découvre aussi mes enfants.
Même si je m’en occupe souvent seule, car mon mari travaille le week-end, nous
n’avons jamais passé autant de temps ensemble.
Et je les découvre.
Je découvre que ma plus jeune est
plus angoissée que je l’aurais pensé. Très sensible.
J’ai assisté à une de ses crises aujourd’hui.
Pas une colère injustifiée. L’expression
d’une vraie angoisse (et chez une enfant de 4 ans, c’est déstabilisant).
En pleurant, elle m’a dit : « j’en
ai marre maman, j’en peux plus ».
Je me suis rarement sentie aussi
impuissante.
Mis à part arrêter ce que je faisais
(sans doute un mail pour le bureau), je ne savais pas comment l’aider.
Je l’ai prise dans mes bras, on s’est
assises ensemble sur le balcon au soleil. Et c’est tout.
Un truc que je n’aurais jamais
fait avant.
Parce que j’aurai été pressée.
Parce qu’on aurait été en retard
pour aller quelque part. Parce que je lui aurais répondu : « je n’ai
pas le temps ».
Or là, du temps, j’en ai.
On est restées là, et ma grande est
venue nous rejoindre.
On a dû passer peut-être 40
minutes, pas plus.
Jamais on aurait fait ça
autrement.
Mais ce n’est pas ce qui m’occupe
aujourd’hui. Après tout, notre routine familiale n’a pas grand-chose d’incroyable.
Elle reflète très probablement ce que vivent de nombreuses familles dans notre
cas.
Ce qui m’interroge depuis
plusieurs jours, et que je vois, (et que j’alimente probablement à mon échelle)
c’est ce qui s’opère sur les réseaux sociaux.
Un phénomène déjà constaté en
temps « normal (ie : hors confinement) : c’est cette quête de la
vie idéale en images.
Je m’explique : depuis l’avènement
des réseaux sociaux (tous autant qu’ils sont mais en particulier Instagram) on
voit émerger des comptes «d’influenceurs» (que je déteste ce mot !)
qui nous « vendent » la vie parfaite, aussi bien familiale, que
professionnelle, égrenée de phrases bien tournées sur le développement
personnel. Sans oublier, bien entendu, une pratique du sport régulière et une
alimentation parfaitement équilibrée (pour eux-mêmes et leurs familles).
Soit.
C’est le jeu de ce genre de
médias après tout. Nous en sommes tous les acteurs, les prescripteurs… et sans
y être forcés.
Depuis 10 jours que nous sommes confinés,
je pensais avoir moins de post de ce style. Avoir moins de post en général.
Et j’avoue qu’entre les post sur
le « plaisir du confinement » au soleil (dans une résidence
secondaire pour les parisiens) et les millions d’incitations à faire du sport
chez soi, ou à manger de bons petits plats équilibrés, je suis sceptique.
Que l’on soit clair, j’aime
beaucoup ces initiatives, et je tente (tant bien que mal) de faire attention à
mon alimentation, et de continuer ma pratique du yoga le plus régulièrement
possible…
Mais, cette prolifération d’invectives
à prendre soin de soi absolument pendant cette période étrange de confinement,
interroge sur la nature humaine.
Devons-nous absolument aller
bien, manger bien et continuer à bouger ? Comme si à l’extérieur tout
allait bien ?
Comme si certains n’étaient pas
en train de se battre pour vivre ?
Ça me va bien de dire ça, puisque
j’y contribue. Mais je finis par trouver cela impudique. Certaines familles
sont endeuillées, certains sont inquiets pour les leurs…. Nous ne sommes pas en
vacances.
J’écris ça un peu comme ça vient,
je n’ai pas pour habitude de faire un plan (sans doute pour cela que j’ai du
mal à écrire sur la longueur, mais ce n’est pas le sujet), mais si nous profitions
de cette période pour remettre en perspective (revoir ses priorités) ?
C’est un peu grotesque car je posterai
cet article. Mais je ne suis pas plus ou moins « à imiter » que d’autres.
Je ne prétends pas agir, ou réfléchir « comme il faut ».
L’écriture reste pour moi un
exutoire (avec le yoga désormais, le second étant nettement plus efficace sur
les abdos… il paraît), et une façon de poser ma réflexion.
Encore une fois, je ne juge pas.
Chacun gère à sa façon cette période à laquelle aucun d’entre nous n’était
préparé.
Ce luxe ultime d’avoir du temps.
Pour soi.
Pour les autres.
Parce qu’on ne peut pas se battre auprès de nos
soldats dans cette guerre : les personnels soignants.
J’avoue être prise entre la culpabilité
de ne pouvoir aider vraiment, et le questionnement de « comment utiliser
au mieux ce temps qui m’est offert ? » (Et la culpabilité d’avoir le
luxe de me poser cette question : tu le sens le mal de crâne ? »)
Une des démarches qui me fait du
bien en ce moment, ce sont tous ces musiciens, connus ou non, qui inondent
leurs pages de musique et de sessions live.
La musique, les concerts sont
clairement des parties importantes de ma vie. Avoir l’occasion d’écouter des
artistes qui sont parfois des amis, parfois des artistes que je prends plaisir
à écouter dans des salles de concerts parisiennes est la petite chose qui allègent
ces moments de questionnement.
Quelque soit la façon dont vous
gérez ce confinement, je suis certaine que vous essayez de le faire pour le
mieux.
Et au final, c’est ce qui restera.
Portez-vous bien, restez chez
vous. Profitez de ce temps pour faire ce que nous ne faîtes pas habituellement,
ou pour ne rien faire.
Drôle de période.
Vassilia
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