Intact.

Intact était l'impact de son regard sur elle.
Même brûlure sur la peau.


Combien de temps avait passé?
Six mois, huit mois? Un an?
Plus sans doute.
Et pourtant, tomber sur lui, entre deux rayons de supermarché, avait rendu difficile sa respiration, et accéléré son rythme cardiaque.

Le rouge avait du lui monter aux joues, comme lorsqu'elle l'avait vu la première fois, il y a près de quinze ans.
Elle était jeune.
Lui aussi, forcement.
Mais il dégageait cette assurance.
Presque insolente.
Le temps passait sans emprise sur lui.
Légèrement injuste.

Passée la surprise, quelques banalités.
Forcément.
On prend des nouvelles poliment. On s'étonne de se croiser là.
Le temps suspend brièvement sa course. Mais on sait que dans les prochaines secondes, il aura payé ses quelques articles, et retournera à son actualité.

On évoquera bien un déjeuner prochain, mais chacun saura qu'il s'agit plus là d'une formule de politesse, que d'une promesse.
Un peu comme "cordialement" à la fin d'un mail.

Elle ne lui en voudra pas.
C'est le sort de toutes les histoires avortées, qui n'ont existé que de brefs instants.
Ces histoires fantasmées parce qu'on n'a jamais été au même rythme.
Ces histoires un peu regrettées mais qui ramènent à de doux souvenirs.
Ces histoires où on se dit, mais "si celle-ci avait existé?" ou encore "et si les choses avaient été différentes?"
Ces histoires auxquelles on pense les jours de pluies, les matins gris en marchant le casque vissé aux oreilles.

Elle le savait toujours aussi beau. La vérité était fidèle à la photo.
Leur rencontre improbable avait-elle généré chez lui autant de trouble?

Elle le souhaitait un peu.
Pour son égo.
Mais pour l'équilibre des forces aussi.
Elle aimait à penser qu'elle pouvait être un regret pour lui comme il l'était pour elle.

La rencontre restera suspendue, comme leur histoire.

Cette histoire dont on ne sait vraiment si elle a finalement existé.